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Pays d’Iroise communauté : le scandale de l’eau continue !

Le conseil communautaire de la CCPI vient de voter les nouveaux tarifs de l’eau et l’assainissement pour 2021. Et comme on pouvait le craindre, la situation ne s’améliore pas.

Petit rappel pour ceux qui auraient manqué le début de ce feuilleton

Les services publics de l’eau et de l’assainissement sont confiés par la loi aux collectivités, qui peuvent les organiser elles-mêmes (« en régie ») ou les concéder à un opérateur privé ou public (« DSP » ou délégation de service public).

 A l’origine, les communes qui composent désormais la CCPI s’étaient organisées en « syndicats » pour assurer les missions des services publics de l’eau et de l’assainissement collectif. Ainsi, ces services étaient assurés dans les communes de Lanildut, Landunvez et Porspoder par le syndicat du Four, pour l’eau potable, et par le syndicat intercommunal SIALLP pour l’assainissement. Le SIALLP avait ainsi réalisé les réseaux d’assainissement et construit l’usine de traitement des eaux usées de St Dénec, à Porspoder, qui traite les eaux dans ce périmètre, et dont la capacité est d’ailleurs en principe bien supérieure aux besoins des trois communes.

Ces compétences ont désormais été transférées à la CCPI, qui a repris les installations (réseau, usines de traitement) ainsi que les dettes et assure désormais le service. Depuis 2017, la CCPI est donc l’autorité qui organise le service de l’assainissement.

La loi prévoit dans ce cas que les tarifs doivent converger « dans un délai raisonnable ». La notion de raisonnable étant malheureusement à géométrie variable, la CCPI a considéré que 25 ans était un délai raisonnable, et communique sur l’échéance de 2042. Nous n’avons d’ailleurs pas trouvé la délibération du conseil communautaire à ce sujet, sur lequel nous devons comme souvent nous baser sur les communications à la presse.

Les principes d’une convergence tarifaire ont été adoptés en juin 2019 par le conseil communautaire sur les bases de ce calendrier surréaliste – indépendamment de toute planification des dépenses, ce qui est surprenant s’agissant d’un service dont la loi impose que le prix couvre exactement les charges. Ce n’est d’ailleurs pas la seule bizarrerie de cette délibération : ainsi, les tarifs y sont dégressifs, favorisant ainsi les gros consommateurs (plus de 1000  m3/an) alors que les grosses consommations favorisent le surdimensionnement des installations de traitement.

Evolution 2020-2021 : divergence, et non convergence !

Ainsi, il existe encore (et pour longtemps, apparemment) des zones de tarification différente sur la CCPI. 

Hausse des tarifs de l'assainissement de l'eau en Pays d'Iroise : un scandale orchestré par la CCPI

En 2020, par exemple, pour une consommation moyenne (pour la CCPI) de 75 m3 par abonnement, et pour l’assainissement seul, la CCPI facture (hors taxes) 129 € à Brélès, presque 330 € à Lanildut, Landunvez et Porspoder (LLP) : une différence de 201 €, soit 151 %. Mieux même : avant d’avoir consommé le moindre litre d’eau, la facture à LLP est déjà de 158 €, supérieure à celle de Brélès pour l’année !

Même avec cette échéance très lointaine de 2042, on aurait pu espérer que cet écart allait se réduire en 2021, et que de timides signes de convergence commenceraient à apparaître…. Mais non !

Avec les tarifs votés (sans doute à l’unanimité, comme il se doit) par le conseil communautaire le 16/12/2020, les nouveaux tarifs (toujours pour 75 m3 sont en effet de 137 € pour Brélès (soit une augmentation de 8 €), et de plus 339 euros pour LLP, soit une augmentation de plus de 9 € : en fait de convergence, l’écart se creuse encore plus !

Mieux même : sur toute la CCPI, c’est la zone LLP où les tarifs sont les plus élevés qui supporte l’augmentation la plus forte. 

Rappelons enfin que ces tarifs sont une fois de plus hors la loi : ainsi, alors que celle-ci impose que la part fixe de la facture ne dépasse pas 30% de celle-ci.  30% de 339 €, c’est 102 €, alors que la part fixe 2021 pour la zone LLP est de 155 €…

Nos efforts n’ont donc servi à rien

Rappelez-vous, l’AEPI avait réussi à rencontrer la CCPI il y a juste un an, notamment pour évoquer ces tarifs. Il n’était rien sorti de cette réunion conduite par un vice-président apparemment peu informé des sujets de sa compétence, en présence de deux techniciens de la CCPI quasiment muets. 

L’AEPI avait ensuite transmis ses questions à la CCPI (une dizaine de pages, tout de même), questions restées sans réponse – et sans même le moindre accusé de réception.

Nous avions espéré que la nouvelle CCPI pourrait relancer le sujet… il n’en est malheureusement rien ! Non seulement les mêmes élus ont été désignés aux mêmes postes (facile car il n’y avait qu’un seul candidat), mais les rares possibilités ouvertes par la loi de faire participer les citoyens et en l’occurrence les usagers, à la préparation des décisions ont été refermées aussitôt ouvertes : pas d’usagers dans le conseil d’exploitation eau et assainissement, pas de « Commission consultative des services publics locaux », obligatoire seulement à partir de 50 000 habitants.

Le « Rapport sur le prix et la qualité du service » (RPQS), publié comme d’habitude bien après le délai légal, n’explique rien et ne permet pas de comprendre la structure tarifaire adoptée.

En parallèle, la CCPI a continué à conduire des projets douteux, tels que celui du détournement vers Lanildut des eaux usées traitées à St Dénec (plus de 2 millions d’euros, d’après nos calculs), à la seule fin de permettre à de nouvelles communes de se raccorder à la station qui aura alors été entièrement payée par les abonnés de LLP. Ce projet stupide est d’ailleurs bloqué, car il était conduit illégalement – mais l’argent a déjà été dépensé…

Que devraient faire nos élus ?

Les décisions sur ces sujets sont prises dans une grande opacité, le conseil communautaire étant invité à approuver des décisions déjà prises ailleurs. On a donc du mal à comprendre les raisons qui poussent nos élus à prendre ces décisions étonnantes. On croit comprendre que la volonté de « taxer » les résidents secondaires seraient la justification principale des inégalités ; pourtant, les mêmes tarifs s’appliquent à tous, y compris aux personnes âgées seules.

On comprend bien en revanche les réticences des élus des communes favorisées (majoritaires dans le conseil) à voir augmenter la facture de leurs électeurs.

Nos élus devraient se rappeler les principes fixés par la loi : les tarifs doivent respecter l’égalité de traitement des usagers devant le service public, et les éventuelles différences de tarifs devraient être justifiées par des nécessités d’intérêt général. Ils devraient donc :

  • Réviser la délibération (si elle existe) relative à la convergence des tarifs ;
  • Revoir dès aujourd’hui les tarifs pour les mettre en conformité avec la loi.

Qu’allons-nous faire ?

La discussion semble impossible. Il nous reste donc la voie du contentieux. Tout contentieux est un échec, mais cet échec n’est pas de notre fait.

Si nous le gagnons – et le dossier est tellement épais qu’on ne voit pas comment on pourrait perdre – notre contentieux risque d’avoir des conséquences désagréables pour les autres usagers de la CCPI : nous demanderons évidemment ce que les tarifs soit rétablis sur leur base légale, avec effet rétroactif, ce qui entraînera inévitablement une augmentation pour tous les autres. Nous en sommes d’avance désolés, mais ce sont leurs élus qui sont à l’origine de cette situation regrettable

Cette action pourrait prendre la forme d’une action collective : ceux qui s’y joindraient pourraient bénéficier des mesures de réparation : restez attentifs, nous reviendrons vers vous lorsque cette action sera lancée !

En ce qui concerne l’eau, notre enquête continue. C’est plus compliqué, mais encore plus intéressant, car à la question des tarifs (il y a aussi plusieurs zones tarifaires) s’ajoute la question de l’origine de l’eau qu’on nous vend et que nous buvons : les captages sont fermés pour la plupart pour cause de pollution ou « privatisés »), l’eau est achetée à grand frais au nord ou au sud, au prix du déploiement de kilomètres de tuyaux qui n’enrichissent que les poseurs de tuyaux et les vendeurs d’eau…

Affaire à suivre !

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